Forêt sub-naturelle·News

Un retour de la naturalité quand la forêt est oubliée

Nombres d’inventaires entomologiques sont réalisés dans des zones protégées ou reconnues comme importantes pour la biodiversité. Mais en dehors de ces espaces existent des parcelles forestières plus ou moins oubliés par leurs propriétaires. Ces forêts sont la plupart du temps privées. Ainsi abandonnées, elles retournent dans un cycle sylvigénétique en libre évolution, qui conduit la dynamique forestière aux stades de sénescence (André 1997), tandis que le site s’enrichit en micro-habitats longs à se développer comme les grandes cavités d’arbres. Chene - R Saurat

Dans une matrice paysagère transformée par l’Homme, ces îlots forestiers en libre évolution deviennent des refuges pour nombre d’espèces dépendantes d’habitats et de conditions propres aux forêts anciennes. Ces espèces du cortège saproxylique peuvent être rares à l’échelle de l’Europe et subir une fragmentation de leur distribution locale ou nationale comme l’Osmoderme, récemment retrouvée dans des petits boisements oubliés de la Loire (Girod et al. 2018, Dodelin B. non publié).

En Isère, sur les contreforts de Belledonne, des forêts prennent le voie d’une libre évolution. Elles pouvaient ainsi être favorables aux coléoptères spécialistes des gros arbres et des cavités. Nous avons conduit une étude par pièges à interception dans l’une d’elles, une série de chênes poussant en bord de falaise. La forêt adjacente est une châtaigneraie abandonnée.

La bonne surprise de cette étude, qui vient nettement confirmer la bibliographie, a été de rencontrer une riche communauté saproxylique composée d’espèces rares et spécialisées  (Saurat 2017). Il faut par exemple citer Hesperus rufipennis (Staphylinidae, spécialiste des cavités de chêne (Schillhammer et al. 2017)), Oxylaemus variolosus (Bothrideridae), Cossonus parallelepipedus (Curculionidae), Dermestoides sanguinicollis (Cleridae, nouveau pour le département de l’Isère), Procraerus tibialis (Elateridae), ou encore Cis fissicornis (Ciidae, également nouveau pour l’Isère) et Ripidius quadriceps (cf. note précédente).

Une partie de ces espèces est connue pour avoir une répartition éparse et fragmentée à travers l’Europe. Nos résultats pointent ainsi l’importance des petites forêts privées et abandonnées en tant que compléments aux espaces protégées pour la conservation dans le paysage d’habitats rares et menacés. Dans une période où il est urgent de préserver notre environnement, même certains territoires qui peuvent paraître anodins et sans intérêt économique direct peuvent cacher des merveilles naturelles !

Saurat R. & Dodelin B., 28 avril 2018

Références

André J (1997) La phase hétérotrophe du cycle sylvigénétique. Dossiers de l’environnement, INRA 15: 87–99.

Girod C, Esnault M, Martineau J-B (2018) Confirmation de la présence du Pique-Prune (Osmoderma eremita (Scopoli, 1763), Coleoptera, Scarabaeidae, Cetoniinae) à Saint-Héand dans le département de la Loire. Bulletin mensuel de la Société linnéenne de Lyon 87: 176–180.

Saurat R (2017) Examen de coléoptères saproxyliques  de deux forêts du massif de Belledonne en Isère. Bulletin mensuel de la Société linnéenne de Lyon 86: 97–116.

Schillhammer H, Snäll S, Coskun M, Jansson N (2007) The West Palearctic species of Hesperus Fauvel, 1874, with descriptions of three new species from Turkey. Koleopterologische Rundschau 77: 125–134.

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